Par Basile Keugoung, Kéfilath Bello, Cheickna Toure, Kévine Laure Kaghere et Jean Paul Dossou
La CoP PSS a participé du 6 au 8 avril 2016 à Genève à l’atelier sur l’Amélioration de la Performance des Soins de Santé Primaires (en anglais Primary Health Care Improvement) organisé par l’OMS Genève. La CoP PSS était représentée par cinq membres. Dans ce billet de blog, l’équipe de la CoP PSS rapporte quelques messages clés.
L’Initiative “Primary Health Care Improvement” est développée par l’OMS et des partenaires pour améliorer la performance des soins de santé primaires (SSP) dans les pays à faible et moyen revenu à travers une meilleure évaluation, l’amélioration continue et le partage de connaissances. La réunion avait pour objectifs de:
- Créer une plateforme de partage de connaissance sur la mesure de la performance et l’utilisation des données pour l’amélioration des SSP
- Elaborer un plan d’amélioration de la performance des SSP
- Définir des stratégies d’amélioration des SSP et des outils de mesure de performance des SSP au niveaux central et district
La Communauté de Pratique Prestation des Services de Santé (CoP PSS) a été donc invitée pour partager son expérience de gestion de connaissances et de mobilisation des Equipes cadres de district. L’atelier était fort enrichissant.
Il est clairement ressorti lors des présentations pays que les systèmes de santé qui ont su mieux mettre en œuvre la stratégie de soins de santé primaires (SSP), sont ceux qui ont de meilleurs résultats de santé, sont plus équitables et efficients comparés à des systèmes qui se focalisent sur les soins hospitaliers et les programmes verticaux.
Le problème aujourd’hui est la faible mesure de la performance des systèmes de santé en matière des SSP en termes, d’accessibilité, d’acceptabilité, de qualité des soins avec un accent particulier sur la continuité, l’intégration et l’approche centrée sur le patient. La conséquence est la faible réponse aux besoins des populations, la faible utilisation des services existants et la faible amélioration des indicateurs de santé. -5. En Afrique Sub-Saharienne par exemple le fardeau des maladies subit par individu est pratiquement deux fois supérieur au fardeau subit par individu sur l’ensemble de la planète.
Des expériences pays de mise en œuvre des SSP ont été présentées telles qu’en Bolivie, au Kenya, en Malaisie ou en Thaïlande, etc. Au cours des deux dernières décennies, on a noté dans ces pays une nette amélioration des indicateurs de santé. Les membres de la CoP PSS présents à Genève ont identifié 5 principales caractéristiques communes aux systèmes de santé de ces pays.
La première caractéristique est le fort leadership et l’amélioration de la gouvernance. En effet, on note une forte décentralisation de la prise de décision dans les systèmes de santé de ces pays. L’équipe cadre de district a un réel pouvoir pour utiliser les données pour la prise de décision. Les mécanismes de redevabilité sont promus et sont effectifs y compris par la loi. Les autres secteurs en dehors de la santé occupent une place importante dans l’organisation des soins à travers les élus locaux, la société civile et les populations en général. L’approche de planification ascendante est privilégiée et les ressources sont liées aux objectifs à atteindre. Dans ces pays, le pouvoir est partagé entre divers acteurs, contrairement à certains pays où les managers (gestionnaires) des districts, des hôpitaux ou des services de santé en général s’accaparent toutes les instances de décision. Bref, la fonction de stewardship (qui est la capacité à gérer de façon optimale le bien public) est distribuée à tous les détenteurs d’enjeux. Ainsi, l’Etat central joue mieux son rôle de pilotage et de vision stratégique.
La deuxième caractéristique est la bonne performance du système d’information sanitaire. Il ne s’agit pas seulement d’un système de transmission des données à l’échelon supérieur mais plutôt d’un système conçu dans une perspective de prise de décision basée sur les évidences. Ce système comporte des mécanismes d’analyse à tous les niveaux du système de santé (y compris l’échelon communautaire). De plus, il y a une intégration de toutes les données y compris celles des programmes verticaux. En outre, il y a une informatisation du système d’information et les données sont accessibles en temps réel à tous les utilisateurs. Il y a donc la production d’une intelligence collective.
La troisième caractéristique est la justesse du financement. Au-delà des disparités sur le volume total ou les sources de financement, la caractéristique commune est l’équité. Ceci se fait à travers le financement public, l’assurance sociale ou les mutuelles de santé. Dans certains pays, le financement basé sur la performance permet d’associer la production des soins et l’allocation des fonds disponibles.
La quatrième caractéristique est le développement d’un système de santé centré sur les populations. En effet, dans les pays à faible et moyen revenu, les classes pauvres et moyennes forment la majorité de la population. Ils n’ont pas les moyens de payer les soins spécialisés dans les hôpitaux centraux, tertiaires ou dans les centres hospitaliers universitaires. Par conséquent, l’orientation vers la majorité de la population consiste en une amélioration de la qualité des soins au niveau décentralisé (district) pour réduire au maximum les références dans les hôpitaux tertiaires dont les coûts de service sont chers, donc peu abordables pour une large frange de la population. Ce système de santé centré sur les populations se traduit également par une meilleure prise en compte des besoins de la population. Par ailleurs, la participation communautaire est forte non seulement dans la production des soins mais aussi dans la prise de décision sur les différents enjeux de santé.
La cinquième caractéristique est l’élargissement des espaces de décision au niveau périphérique. On ne peut plus imaginer des systèmes de santé performants avec un niveau central bureaucratique qui prend toutes les décisions de gestion des ressources humaines, matérielles et financières, assure la planification des activités et alloue les ressources de façon forfaitaire au niveau périphérique. En général, dans de pareils systèmes, le niveau central est considéré comme le niveau de prise de décision et le district de santé comme le niveau opérationnel. Par contre, dans les systèmes de santé orientés vers les SSP, tous les niveaux sont à la fois de prise de décision et de mise en œuvre des opérations. Chaque niveau a accès aux données pour prendre les décisions informées et exécuter les opérations qui relèvent de sa responsabilité. Il s’agit des opérations de formulation des politiques et de la vision, de pilotage stratégique et de coordination générale au niveau central, d’appui institutionnel au niveau intermédiaire, et d’offre des soins au niveau périphérique. Ainsi, les six fonctions du stewardship sont mises en œuvre à tous les niveaux du système de santé.
Cette dimension traduit le besoin d’une plus grande planification ascendante et d’une meilleure adaptation des politiques nationales, régionales et globales aux réalités locales de mise en œuvre. Elle rappelle l’effort crucial de transformation qui doit se produire au niveau des pouvoirs nationaux mais aussi des acteurs clés de la santé mondiale pour davantage privilégier les mécanismes ascendants de conception, de planification et de mise en œuvre des politiques de santé. Avec le Projet Mobilisation 2.0 des équipes cadres de district pour la lutte contre les maladies à potentiel épidémique, la CoP PSS est en pointe dans la réflexion stratégique et dans l’innovation pour trouver de nouveaux modèles capables de traduire en réalité cette transformation nécessaire et indispensable.
L’atelier a aussi permis de définir les perspectives. Il s’agit entre autres des stratégies pour avoir les données fiables et les utiliser pour la prise de décision ainsi que des stratégies pour porter les SSP à l’agenda de la santé publique mondiale. On note que les SSP ne sont ni une nouvelle initiative, ni un niveau de soins mais bien une philosophie, une approche pour atteindre de façon efficiente et équitable la couverture sanitaire universelle et les Objectifs de Développement Durable.
Cet agenda mondial est concordant avec celui de la CoP PSS qui voudrait améliorer la performance des districts de santé pour qu’ils répondent aux besoins essentiels des populations. Cela n’est donc possible que si les SSP sont mis en œuvre de façon optimale dans les districts sanitaires. La CoP PSS compte participer activement à la réalisation et à l’évaluation des SSP. Car la mise en œuvre des SSP de qualité reste la meilleure option pour atteindre les objectifs mondiaux de santé publique fixés pour 2030 devront être atteints.
Chers membres, vos contributions pourraient non seulement améliorer la conception et l’orientation de cette Initiative mais surtout faciliter sa mise en œuvre. N’hésitez donc pas à donner votre point de vue.
Vous pouvez accéder à toutes les ressources de l’atelier en cliquant sur ce lien :
http://www.who.int/servicedeliverysafety/events/PHCmeeting/en/index1.html.
Compte rendu très intéressant et assez proche de la réalité vécue au Cameroun. Je partage entierement la priorisation ou la classification des caractéristiques qui a été faite, à savoir: leadership et gouvernance, système d’informations sanitaires, financement de la santé… Même si je pense que le dernier point, à savoir la déconecntration/décentralisation (ce sont mes mots), lui, devrait être inclus dans le premier (leadership et gouvernance).
Felicitations à l’équipe pour le compte rendu, en espérant que ceci sera porté à l’attention des dirigeants et diffusé de manière plus large pour les déceideurs dans les pays qui ont pris un grand retard dans les soins de santé primaires, en se focalisant sur les système dominés par les soins secondaires et tertiaires.
Analyse très pertinente pour le Cameroun ou le District de santé marche selon la cadence données par les programmes verticaux,qui recherchent des resultats à cours terme sans aucun souci de durabililité.La multiplication des hopitaux de references me parait absurde dans un systeme ou la premiere ligne fonctionne très très mal.La majeure partie de la population qui est pauvre et très malade ne peut pas acceder à ces grands hopitaux à cause des barrieres géographiques et financieres alors que la minorité riche refuse d’y acceder et sollicite des évacuations sanitaires en Europe au frais de l’état.Par ailleurs on note une forte centralisation de la gestion des RH en santé.
La solution durable reside dans le renforcement du systeme local de santé comme vous l’avez si bien suggeré.Mais pour il faut au prélable une prise de conscience et une volonté politique.
Félicitation à toute l’équipe qui a representé la Cop.