Par Fadima Bocoum
Fadima YAYA BOCOUM est sociologue économiste de la santé, chercheur à l’IRSS au Burkina Faso. Elle s’intéresse à la recherche sur le système de santé et les évaluations économiques en santé.
Récemment, le Burkina Faso, pays des hommes intègres, a fait la une des journaux suite à l’insurrection populaire des 30 et 31 octobre 2014. Ce mouvement a eu pour conséquence la chute du régime et la mise en place de nouvelles (anciennes ?) autorités qui ont en charge la conduite du pays vers des élections. Depuis cette insurrection, les populations se sentent pousser des ailes et ont conscience de leur pouvoir. Elles n’hésitent plus à faire connaitre leurs opinions et à mettre la pression pour que leurs choix soient respectés par les nouveaux dirigeants. Désormais, elles prennent leurs destins en main et appellent à un renouveau en Afrique sub-saharienne pour que les peuples se prennent en charge. Sur cette même lancée, au lendemain de l’insurrection, une chaine de solidarité s’est formée pour prendre en charge les blessés, pour nettoyer la ville et également pour soutenir les familles des martyrs tombés au combat.
La continuité de cette solidarité se poursuit avec une « Initiative de riposte à l’épidémie à virus Ebola des professionnels privés de la santé au Burkina Faso » mise en place par la Fédération des associations des professionnels de la santé privée du Burkina Faso (FASPB). Cette initiative a pour objectifs de :
- Participer activement au dispositif national de riposte
- Mobiliser des moyens matériels et financiers pour venir en aide aux pays africains affectés
- Mobiliser des ressources humaines volontaires pour venir en appui sur le terrain des épidémies
Au regard des objectifs poursuivis, l’Initiative est belle car jusqu’à aujourd’hui, la mobilisation des ressources a été surtout le fait d’organisations internationales. On note la quasi-absence d’une solidarité africaine dans ce domaine. Cependant peut-on vraiment jeter la pierre aux pays africains ?
Prenons le cas du Burkina Faso d’où l’initiative est partie. Jusqu’à ce jour, il ne connait pas de cas d’Ebola. Cependant le Burkina Faso est-il prêt à faire face à Ebola au point de proposer de l’aide en termes de ressources financières, matérielles et humaines aux pays affectés ?
Un institut a montré qu’il existe encore des faiblesses dans la préparation de ce pays en termes d’équipements de protection, de formation et sur bien d’autres aspects [1].
Aussi l’objectif de mobilisation du matériel est louable car l’on sait que la majorité du matériel de protection reçu à nos jours proviennent pour l’essentiel du soutien de la coopération bilatérale ou multilatérale. Nos centres de santé manquent cruellement de matériel et autres consommables pour faire face non seulement aux sollicitations quotidiennes mais également à la prise en charge de cas d’Ebola.
En termes de ressources humaines, le Burkina Faso comme de nombreux pays en Afrique subsaharienne connait des déficits quantitatifs et qualitatifs. De plus, il faut souligner un déséquilibre dans la répartition de ces ressources malgré la mise en œuvre de stratégies pour y remédier. Le personnel de santé est très peu motivé à servir en milieu rural et les conditions de travail demeurent l’une des sources de démotivation. Aussi, concernant la mobilisation de volontaires parmi le personnel de santé pour aller aider les pays affectés par Ebola, cela ne sera surement pas aisé.
Premièrement, au regard du déficit en personnel que connait nos pays, peut-on vraiment se permettre d’envoyer des volontaires alors que dans nos campagnes il y a un manque criard de personnel de santé ?
Deuxièmement, le mois dernier lors d’un de mes cours avec des étudiants de 6ème année de médecine, j’ai posé la question à environ 80 étudiants. Parmi eux le seul qui était prêt à y aller à poser la condition de recevoir une forte somme d’argent (500 000FCFA par jour) en échange. Les autres m’ont clairement fait comprendre que pour rien au monde ils ne s’engageront car en cas d’infection ils n’auront pas accès au traitement comme c’est le cas des volontaires occidentaux. Ainsi la question primordiale est que face au risque d’être infecté par le virus quel mécanisme d’assurance peut-on proposer à ces volontaires ? Ici également un système de solidarité (ce qui est un des principes de l’assurance) doit pouvoir se mettre en place non seulement pour faire face au risque de décès mais également pour assurer un accès équitable à une prise en charge adéquate. La faiblesse des systèmes de santé montre aujourd’hui qu’aucun pays ne dispose d’infrastructures adéquates pour prendre en charge les cas comme en Espagne ou aux Etats-Unis. Ceci pourrait expliquer pourquoi, on observe cette faible chaine de solidarité africaine. Toutefois, des réflexions plus approfondies doivent être menée pour mieux comprendre les déterminants de cette faible solidarité africaine afin de préparer la riposte aux défis futurs.
Il est donc crucial d’inclure dans la préparation à la lutte contre Ebola la capacitation psychologique des professionnels de santé. Les formations ne devraient plus se limiter uniquement au diagnostic et au traitement des cas. La motivation surtout intrinsèque occupe une place de choix et des stratégies doivent être trouvées pour la renforcer. Du 23 au 25 janvier 2015, les Alumni de l’Institut de Médecine Tropicale d’Anvers organiseront une Conférence sur Ebola et les ressources humaines à Maputo (Mozambique). Des leçons de cette conférence pourront guider les décideurs et les managers des systèmes de santé à mieux mobiliser les professionnels de santé dans la lutte contre Ebola et d’autres problèmes de santé complexes.
Référence
1. FREE Afrik: Le Burkina Faso Post-Révolution Contre Ebola. Ouagadogou; 2014:1–7.
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